J’ai choisi de joindre une très jeune vétérinaire à mon équipe d’associées. Elle est dynamique, déjà capable d’introspection, ses valeurs rallient celles de mon groupe. En plus d’être déterminée, elle connaît depuis longtemps son envie d’entrepreneuriat. Dès l’embauche, comme finissante, elle avait validé la possibilité de devenir associée et s’est intéressée aux étapes pour y accéder. Elle a même entrepris le cours que je recommande de suivre aux HEC. Elle a fait preuve de disponibilité, est allée donner un coup de pouce dans nos autres établissements vétérinaires pour y voir différentes façons de faire et pour vivre l’entraide. Elle a travaillé de week-end dans un centre d’urgence pour créer une relation avec les spécialistes et sortir de sa zone de confort. Elle admire nos manières de faire et veut contribuer à les améliorer encore. C’est une fille d’équipe qui se sent plus forte entourée que seule. Une perle voyez-vous. J’aurais aimé, à 25 ans, avoir atteint son niveau de maturité.
Toute fière de cela, je racontais dernièrement mon plaisir à la voir se joindre à nous quand des bien-pensants m’ont offert avec enthousiasme toute une série d’arguments contre et m’ont prédit un échec retentissant.
Plusieurs messieurs voyaient comme un obstacle le fait qu’elle n’ait pas encore eu d’enfants. Comme si la maternité était toujours un frein à l’entrepreneuriat.
Pourtant, elle a bien validé l’engagement que voulait prendre son conjoint auprès de futurs enfants. Je l’ai même rencontrée, avec une autre de mes associées maman aussi et nous avons discuté des façons de s’organiser et de l’indispensable soutien du conjoint pour réussir à la fois la vie de famille et celle d’entrepreneur. Ils développeront leurs manières de faire, ils savent dans quoi ils s’embarquent et je suis certaine que leurs enfants ne manqueront de rien. D’ailleurs, je me propose pour être marraine. 😉
L’autre argument qui m’était servi avec conviction était le fait que sa médecine n’était pas encore solide.
À cela, c’est une de mes associées qui a donné la réponse la plus pragmatique. Les enfants qui apprennent deux langues en même temps en bas âge parlent peut-être un peu moins rapidement que les autres, mais seront complètement bilingues toute leur vie. Et puis jeunes, on assimile mieux, sans mauvais plis et sans idées préconçues. C’est une chance à saisir, pas un handicap.
Et puis, on m’expliquait encore que son leadership serait contesté.
Que les employés ne lui reconnaitraient pas d’autorité. Ce à quoi j’ai répondu que j’avais tant de fois entendu de gens des générations X et boomers me raconter à quel point les milléniaux leur paraissaient incompréhensibles. Il me semblait qu’elle pouvait, en partageant leur tranche d’âge, avoir même une longueur d’avance sur eux et sur moi.
Je ne me suis probablement pas fait d’amis lors de cette soirée. J’étais à la limite frustrée que l’âge soit un prétexte pour choisir le rôle et l’avenir de quelqu’un. Comme si la valeur d’un leader se mesurait au nombre de chandelles sur son gâteau d’anniversaire! Je souhaite résister à ce genre de jugement facile. J’ai envie de continuer à voir les individus pour leurs qualités et leur potentiel et non pas à la longueur de leur CV. L’expérience est certes un atout et j’ai bien l’intention de lui faire bénéficier de la mienne et de celle de mes autres associées.
La jeunesse, l’enthousiasme, la capacité de voir le bon en chacun et la volonté de vouloir développer un établissement vétérinaire avec cœur en y plaçant l’équipe au centre n’ont rien à voir avec un chiffre.
De cela, je suis convaincue. J’ai envie de lui redire bienvenue parmi nous. Tu auras tout mon soutien et celui de mes associées. Ta jeunesse est un atout ma chère, pas un handicap. Et en te joignant à nous, tu nous as donné et tu t’es offert plus de chance de succès: une équipe diversifiée est plus forte.
À tous ceux qui peinent devant le manque de relève, je vous invite à voir les membres de votre équipe avec un regard neuf. Peut-être avez-vous aussi une perle bien plus proche de vous que vous le pensez.
À bon entendeur, salut!
Paru dans Le Rapporteur Fin d’année 2019 de l’Association des médecins vétérinaires du Québec