Je me souviendrai toujours de Rocky, un adorable saint-bernard de quatre ans que j’ai eu comme patient. Il a quitté son humain beaucoup trop tôt dans sa vie. Son histoire m’avait fendu le cœur.
C’était peu après mon retour de congé de maternité, un jeudi, lors d’une chaude soirée de juillet. Ce n’était pas mon tour de garde, mais quand nous avons reçu l’appel de M. Tremblay, je n’ai pas hésité à le faire venir à la clinique. Chaque seconde comptait.
Tremblay savait ce qu’était un coup de chaleur. Il avait donc décidé de retarder sa promenade quotidienne avec Rocky en fin de soirée. Mais l’humidité ambiante était tellement accablante que son chien a rapidement montré des signes d’un coup de chaleur : halètement, difficulté respiratoire, gencive et langue très rouges… : il n’allait pas bien du tout.
Il faut savoir que le coup de chaleur s’apparente à un état d’hyperthermie corporelle extrême (106º-109º F, 40,8-42 °C) et peut causer de graves dommages thermiques aux tissus et organes internes. Il se produit lorsque la production de chaleur dépasse la capacité du corps à la dissiper. Contrairement à l’humain qui possède une grande surface pour l’évacuer, les animaux n’ont que leurs coussinets et le fait de haleter pour le faire. Leur thermorégulation est donc très limitée. Un coup de chaleur peut ainsi leur laisser des séquelles sévères et peut même leur être fatal.
Inquiet, le propriétaire de Rocky nous a téléphoné. Nous lui avons recommandé de mouiller son chien avec le boyau d’arrosage avant de venir nous voir afin d’abaisser la température corporelle de ce dernier et diminuer le risque de dommages.
Dès que Rocky a mis les pieds à la clinique, l’équipe vétérinaire a rapidement entrepris les soins nécessaires pour baisser son hyperthermie qui était beaucoup trop haute (le thermomètre indiquait 41 °C). Mais Rocky présentait déjà une tachycardie inquiétante. Son cœur battait trop vite et il présentait des saignements digestifs importants. Rocky ne disposait pourtant pas de condition cardiaque ou respiratoire sous-jacente.
L’obésité, l’âge de l’animal, la privation d’eau, l’humidité et la chaleur élevées, le confinement dans une zone mal ventilée ou encore la présence de maladie sous-jacente sont tous des facteurs prédisposant au coup de chaleur. Mais tous les animaux peuvent en être victimes, peu importe l’espèce et la race.
Malgré nos soins, Rocky s’est mis à décompenser rapidement. Il est devenu désorienté puis il s’est mis à convulser. Nous avons tenté de stopper ses symptômes avec des anticonvulsivants, mais Rocky avait besoin de soins intensifs et de surveillance rapprochée. Son état s’est rapidement détérioré. M. Tremblay n’a pas eu d’autre choix que de le faire euthanasier.
Je me souviendrai toujours du regard de ce monsieur quand nous avons injecté la dose létale de barbiturique à son compagnon à quatre pattes. Il se sentait terriblement coupable. Il avait pourtant retardé le moment de sa promenade. Il est longuement resté à côté de la dépouille de son chien, silencieux et triste. Puis il nous a laissé la laisse et le collier de son chien. Effondré, il m’a serré dans ses bras pour me remercier, mon équipe et moi, de tout ce que nous avions fait pour tenter de sauver son meilleur ami. Je me rappelle avoir retenu mes sanglots à ce moment-là pour ensuite fondre en larmes au-dessus du corps de Rocky, qui pourtant avait l’air si fort.
Vous l’avez compris. Le coup de chaleur arrive sans prévenir. Il existe toutefois quelques précautions à prendre pour en protéger votre chien :
- Marcher tôt ou tard quand la température est fraîche
- Dans le doute, s’abstenir de sortir et rester à la maison
- Privilégier les balades sur des surfaces gazonnées
- Privilégier les balades dans des endroits ombragés
- Avoir toujours une gourde d’eau fraîche à portée de main
- Prendre des pauses régulièrement
- Lors d’une canicule, éviter toute activité physique
- Ne jamais laisser votre chien seul dans une voiture, même si elle est climatisée ou si elle a les fenêtres baissées
Cela fait plus de six ans que Rocky est décédé et je pense encore régulièrement à cet événement dramatique, à M. Tremblay et à son adorable Rocky. Je l’ai recroisé quelque temps après la mort de son chien, et il avait adopté un chiot. Un beau saint-bernard de quatre mois. L’été arrive, faites attention à la chaleur. Protégez votre chien!
Elle signe ce texte
Dre Véronique Miller est vétérinaire à Lévis.
