Ah non! Vous avez une grosse semaine et Poilu semble avoir mal au dos!
Ça vous fait de la peine de le voir ainsi : il ne mange pas, pleure quand vous le prenez, il halète plus que d’habitude et il reste couché. Il a déjà fait un épisode du genre, vous aviez consulté à l’époque votre gentille vétérinaire et reçu des anti-inflammatoires pour Poilu. Ça l’avait beaucoup aidé et il avait récupéré rapidement.
L’intention
Vous voulez aider votre chien, mais vous ne voyez pas comment vous pouvez ajouter un rendez-vous vétérinaire à votre semaine déjà trop pleine et disons-le, vous vous dites qu’il serait bien d’économiser en donnant des produits pour humains à votre chien. Alors, vous administrez un médicament sécuritaire pour humain à votre chien, espérant soulager rapidement sa douleur.
Quelques heures plus tard, Poilu vomit et son vomitus contient du sang frais. Il a aussi de la diarrhée noire (il s’agit de méléna : le méléna indique que le système digestif haut tel que l’estomac ou la première partie de l’intestin saigne et que ce sang est digéré par l’intestin donnant une coloration noire aux selles). Poilu est devenu plus abattu et vous voilà très inquiet. Vous consultez donc en urgence pour apprendre que Poilu souffrait non pas d’un mal de dos, mais d’un ulcère d’estomac et que le médicament a grandement empiré sa condition. Il devra être hospitalisé pour recevoir les traitements appropriés.
Le résultat
Quand les gens autodiagnostiquent leur animal, ce n’est jamais avec une mauvaise intention. Bien sûr, ils veulent aider leur compagnon souffrant. Certains consultent Dr Google, leur beau-frère, des groupes de propriétaires de chiens sur les réseaux sociaux et j’en passe. En tant que vétérinaire, j’ai malheureusement souvent vécu le genre de situation que je viens de vous raconter où un propriétaire bien intentionné empire la condition de son animal ou le laisse souffrir plus longtemps sans le vouloir en ne lui offrant pas le traitement approprié.
En vrai, c’est complexe
Gardez en tête qu’établir un diagnostic sur un animal n’est pas plus facile que sur un humain. Comme ils ne parlent pas, cela complique encore le diagnostic, car tout devient sujet à l’interprétation (ça se rapproche de la pédiatrie chez les humains). Dans un dossier médical d’ailleurs, on catégorise notre examen entre subjectif et objectif, avant de faire notre analyse puis notre plan.
Pour compliquer encore la pose d’un diagnostic, plusieurs signes cliniques sont compatibles avec plusieurs maladies différentes nécessitant des traitements bien différents. Ceux que je décris dans ce texte en font partie : l’abattement, la respiration plus rapide, le manque d’appétit : ce sont des signes d’inconfort, mais ils n’indiquent pas l’origine de la douleur.
Faire un examen, c’est complexe. Cela s’apprend, se pratique et cela reste un défi. En tant que médecin vétérinaire nous sommes tenus, pour garder notre droit de pratique, de faire de la formation continue annuellement. Combien de fois, j’ai eu des clients qui m’ont dit : « il n’a pas mal au dos, j’ai vérifié » et qu’au contraire, mon examen démontre que l’animal a une douleur vive au dos. Et il ne s’agit pas de peser plus fort (au contraire, on ne veut pas blesser le chien davantage), mais de savoir où et comment détecter cette douleur après avoir validé certains autres paramètres.
La bonne chose à faire
Je sais bien que vous le savez et que vous n’avez pas toujours ni le temps ni l’envie de consulter le vétérinaire, mais c’est la chose à faire pour aider au mieux et plus rapidement votre animal. C’est aussi souvent la meilleure chose pour économiser plutôt que d’empirer une situation qui n’en deviendra que plus complexe à traiter. Plus un problème est bien diagnostiqué rapidement, plus il y a de chances qu’il soit facile à traiter. Travaillons en équipe pour le bien-être de votre compagnon. C’est notre raison d’être!